Publié le 17/10/2019

L’agriculture en mode R&D

Le groupement de développement agricole (GDA) Loches-Montrésor est un élément moteur de la filière écoconstruction en Sud Touraine. Le travail de recherche, de collecte et de broyage réalisé autour des cannes de tournesol laisse entrevoir de belles promesses en matière d’isolation. Rencontre avec le coordinateur-animateur du GDA, Franck Paineau, et son trésorier, l’agriculteur perrussonnais, Christophe Gélineau.

Depuis quand le GDA est-il investi dans ce projet de filière écoconstruction en Sud Touraine ?

Franck Paineau : « Tous les 5 ans, nous essayons de bâtir un nouveau fil rouge. Le précédant tournait autour des ressources et de qualité de l’eau. A l’hiver 2009/2010, nous avons phosphoré et dégagé une thématique : « innover sur notre territoire pour dynamiser nos exploitations ». 2009 avait été une année très difficile, avec une volatilité des prix. Nous avons alors monté un groupe projet et nous sommes partis dans le Pays de Mené, en Bretagne, à la pointe dans le domaine des énergies renouvelables. Après une période de flottement, nous avons eu connaissance d’une thèse réalisée à Clermont-Ferrand, qui montrait des équivalences de propriétés thermiques entre l’écorce de tournesol et le chanvre. Cela a concordé avec un appel à projet régional sur l'agro-écologie, nous avons remporté une bourse qui nous a permis d’avancer dans cette direction.  Nous avons lancé "l'opération Soleil" pour réaliser des essais de valorisation de la canne de tournesol. Nous étions les premiers, avec de nombreuses interrogations : quelles variétés de tournesol ? Comment ramasser, puis broyer ? De la R&D pure… On nous regardait comme des ovnis ! »

Comment le monde agricole accueille-t-il cette diversification d’activité ?

Franck Paineau :  « On nous disait souvent que le tournesol était une culture trop exposée, trop onéreuse, une culture de printemps peu adaptée à nos sols fragiles. C'est une façon de le revaloriser. Peu d’agriculteurs ont souhaité entrer dans l’aventure mais les volontaires ont été très investis ». 

Christophe Gélineau : « A titre personnel, je trouvais ce projet original, innovant. Et je crois en son potentiel ! Le fait de rester dans un esprit de petite structure me plaisait aussi car je n’avais pas envie de m’étendre. Pour moi, c’est un nouveau terrain de jeu. De toute manière, nous ne prenions pas grand risque, même si les subventions ne couvriront pas toutes les heures dédiées au projet. Mais à mes yeux, le jeu en vaut la chandelle. Et puis travailler avec des chercheurs et d’autres professions, c’est stimulant. Nous n’avons pas les mêmes habitudes, les mêmes contraintes… Nous, nous appliquons des recettes, des protocoles, nous ne sommes que rarement dans l’invention. »

Les premiers travaux de collecte et de broyage de cannes a permis au GDA d’isoler le pôle écoconstruction ! 

Où en est, à ce jour, le travail de recherche ?

Christophe Gélineau : « La récolte 2016 représente 60 ha, répartis sur quatre exploitations. L’idée, c’est évidemment que ce travail soit réalisé avec du tournesol du territoire, uniquement. Nous avons tâtonné, sur le temps de séchage notamment ; c’est une réflexion permanente et nous sommes heureux aujourd’hui d’avoir un prototype qui nous permet d’optimiser le ramassage. Nous avons créé l'association Isochamp pour collecter et transformer les cannes de tournesol mais aussi de colza. »

Franck Paineau :  « Nous avons connu un rebondissement inattendu : nous ne travaillions qu’à partir de l’écorce, l’étui de la canne ; mais il nous est apparu que la moelle avait également des propriétés isolantes. Et vu que la thèse ne portait que sur l’écorce, nous sommes au milieu du gué, avec de nouvelles perspectives. Nous venons d’intégrer un nouveau projet, un consortium entre un industriel et deux coopératives du Sud de la France. Nous changeons de braquet avec de nouveaux financements possibles. Nous allons contribuer à la R&D et, même si nous avions un temps d’avance, nous allons mettre dans le pot commun toute notre matière grise. »

Quel est le potentiel réel en Sud Touraine et au-delà ?

Christophe Gélineau et Franck Paineau  : « Localement, notre travail pourra bénéficier à plusieurs dizaines de maisons peut-être. Mais cette nouvelle configuration va permettre d’envisager de s’ouvrir au marché national. Le travail sur la moelle de tournesol est porteur de nouveaux espoirs. »

Bon à savoir...
> Les premiers travaux de collecte et de broyage de cannes a permis au GDA d’isoler le pôle écoconstruction ! 
> Fin 2015, le GDA Loches-Montrésor a été lauréat régional des trophées de l’agro-écologie et a obtenu le Grand prix de la démarche collective pour son projet « Opération Soleil ».
> Le GDA Loches/Montrésor a été créé en 1984. Franck Paineau en est l’animateur-coordinateur depuis 2003. Le GDA regroupe les 2/3 du Sud Touraine, soit 25 000 ha, 160 exploitations et environ 300 actifs.
> Christophe Gélineau, 43 ans, est installé depuis décembre 1995 à Perrusson. Il possède une centaine d’hectares et réalise de la polyculture, de l’élevage de vaches allaitantes.   
> Le tournesol se sème du 15 mars au 15 mai, « quand le sol est mou », et se récolte « lorsque l’on doit ressemer du blé dans la foulée, entre mi-septembre et mi-octobre ».