Publié le 27/07/2015
Scierie Moreau Genillé

Du Sud Touraine à l’Europe, les belles conquêtes d’une scierie artisanale

La scierie Moreau, c’est le récit d’une de ces nombreuses entreprises familiales dont les racines se confondent avec celles de leur village et de leur terroir. En 1920, après avoir longtemps vendu du bois de chauffage, Prosper Moreau créé une scierie le long de la gare de Genillé, village situé en proximité immédiate du massif forestier de Loches. L’activité de la scierie bat son plein pendant les trente glorieuses et fait vivre jusqu’à 50 familles en 1970. Depuis, l’entreprise a su résister au déclin des scieries artisanales en délaissant le résineux au profit du chêne et en se spécialisant dans les bois de charpente pour monuments classés, en France et en Europe. Une stratégie gagnante entreprise successivement par Jean puis Rémy Brégea, l’arrière-petit-fils du fondateur aux manettes de la scierie depuis 20 ans.

Le nombre de scieries françaises a fondu comme neige au soleil ces 50 dernières années : 15 000 en 1960, elles ne seront plus que 1000 en 2020 selon les pronostics de l'Observatoire des métiers de la scierie. Pour survivre, mieux vaut réussir les défis qui s’imposent et qui se résument en deux mots, productivité et stratégie. Un tour de force quotidien relevé sans fanfaronnade par la scierie Moreau de Genillé qui affiche dans ce contexte, des résultats plus qu’honorables avec 7000 m3 de grumes sciées à l’année et un chiffre d’affaires de 1,5 millions d’euros en 2014, en progression de plus de 21% par rapport à l’année précédente.

L’Hermione et Notre-Dame

Depuis 15 ans, l’entreprise tourne avec un effectif stable de 13 salariés dont Rémy Brégea, directeur et homme-orchestre de la scierie : «nous avons fait le choix de travailler le chêne presque exclusivement, un bois que notre commis de coupe estime, sélectionne et achète en forêt de Loches, de Blois, de Chinon…, dans un rayon de 100 km. C’est évidemment le bois de prédilection des entreprises de restauration des monuments historiques ; nous nous sommes faits une place sur ce marché sans négliger notre clientèle de négociants en chêne et d’artisans locaux à la recherche de produits sur-mesure». La scierie Moreau peut s’enorgueillir d’avoir vendu des pièces de bois pour la restauration de très nombreux monuments de Paris comme la Cathédrale Notre-Dame, dont les cloches sont soutenues par des pièces sciées à Genillé. L’ossature et les ponts de la célèbre frégate Hermione ont été réalisés avec du bois fourni par la scierie sud-tourangelle tout comme la charpente de l’église de Windsor en Angleterre.

Du chêne pour l’Angleterre

La scierie Moreau réalise en effet 40% de son chiffre d’affaires à l’export : « en Espagne, en Belgique, en Allemagne où l’on vend des traverses de chemins de fer, mais surtout en Angleterre, un pays qui consomme énormément de bois dans les systèmes constructifs avec des maisons construites en ossature chêne, beaucoup de sols en parquets… on leur vend aussi du bois pour des traverses paysagères » raconte Rémy Brégea qui se rend chaque année au sud de Birmingham pour rencontrer sa clientèle britannique. Cette forte activité à l’exportation est rendue possible grâce à la collaboration étroite entre la scierie Moreau et l’autre scierie toute proche de Beaumont-Village.

Quand les grumes partent en Chine…

Ce travail partenarial est aussi devenu indispensable pour satisfaire une demande toujours forte, d’autant que la matière première se raréfie. « Nous avons du travail en tant que transformateurs mais nous n’avons plus de bois ! Dans les ventes aux enchères encore pratiquées dans notre secteur, ce sont les Chinois qui, depuis plusieurs années, achètent à prix fort les grumes françaises qui nous reviennent sous forme de lames de parquet ou de meubles fabriqués sur leur sol » s’indigne Rémy Brégea.

Conséquence : la France vend plus de grumes que de produits transformés pourtant bien plus rémunérateurs et une bonne partie de la récolte de chêne ou de hêtre échappe aux scieries qui meurent à petit feu. « J’ai participé à la journée d’action organisée par la Fédération Nationale du Bois le 7 octobre 2014 devant l’Assemblée Nationale car nous sommes décidément trop naïfs : la Chine taxe l’importation de bois bruts à 8% et se protège de l’importation de produits transformés en taxant les meubles à 100%. Pendant ce temps, l’Europe n’impose aucune barrière ! ». S’il n’a pas hésité à investir dans un chariot de tronçonnage de grumes au mois de janvier, Rémy Brégea attend désormais une réaction des pouvoirs publics pour faire diminuer cette pression étrangère et pour se projeter sereinement dans l’avenir.

STA 24/07/2015